OROGENÈSE

OROGENÈSE
OROGENÈSE

L’orogenèse (du grec oros , montagne, et genesis , formation) désigne l’ensemble des processus qui conduisent à la formation des chaînes de montagnes. Ces processus sont supposés relativement rapides et intenses par opposition à l’épeirogenèse (epeiros , terre émergée), qui correspond à des mouvements lents accompagnés de faibles déformations; mais cette distinction n’est ni aisée, ni, peut-être, utile [cf. ÉPEIROGENÈSE]. On distingue parfois une tectogenèse pour désigner plus précisément la formation des structures (tectonique), restreignant de cette façon la signification de l’orogenèse à la création des reliefs, les deux phénomènes n’étant pas synonymes. Cependant, comme ils sont liés, on parle également de tecto-orogenèse .

On prendra ici le terme «orogenèse» en son sens global de formation des chaînes de montagnes, sans envisager le détail de la formation des structures, traitée ailleurs (cf. CHAÎNES DE MONTAGNES [typologie], TECTONIQUE, TECTONIQUE DES PLAQUES).

Si le relief actuel des montagnes est évident, il résulte de mouvements récents qui ne donnent généralement pas de renseignements sur les mouvements passés, et cela d’autant moins qu’ils sont plus anciens. Mais, d’une part, ceux-ci peuvent être appréciés par leurs conséquences: on admet que tout relief est soumis à l’érosion, d’où résultent des formations détritiques qui, par leur importance et leur granulométrie, permettent d’évaluer approximativement le relief dont elles dérivent. D’autre part, quelles que soient les réserves qu’on puisse faire sur cette liaison, on admet, au moins dans certains cas, que la création de reliefs s’est accompagnée de déformations; on met ainsi en évidence, par la structure des terrains anciens, l’existence de chaînes de montagnes aujourd’hui complètement arasées. Aux chaînes actuelles, dont l’histoire n’est pas que récente (cf. CHAÎNES DE MONTAGNES [typologie]), on oppose ainsi des chaînes anciennes, qui n’ont souvent plus l’aspect de montagnes mais qui l’ont présenté autrefois [cf. MASSIFS ANCIENS].

La recherche du ou des mécanismes de l’orogenèse fait appel à l’étude des structures: les plis, les chevauchements, les charriages, tous accidents en compression, correspondent à un raccourcissement des terrains affectés qui exige, en fin de compte, un rapprochement des masses continentales; au contraire, les failles directes, en extension, exigent un écartement, inverse du mouvement précédent. La paléogéographie aide à cette analyse dans la mesure où elle montre une variation de la répartition des masses continentales, qu’on peut envisager dans le cadre de la tectonique des plaques pour les derniers 200 millions d’années de l’histoire géologique. La géophysique apporte des preuves: le paléomagnétisme démontre le déplacement des continents au cours des temps; pour l’époque actuelle, l’analyse des séismes permet de comprendre les relations existant entre le système des contraintes et les mouvements qui en résultent; en outre, les différentes disciplines géophysiques apportent une image très précise des continents et des fonds océaniques.

Le moteur de l’orogenèse

Le moteur de l’orogenèse réside dans le mouvement des plaques lithosphériques [cf. TECTONIQUE DES PLAQUES]. De l’écartement de celles-ci naissent des océans, où se forment les sédiments des futures chaînes de montagnes. Puis, lorsque ces plaques se rapprochent, naît la subduction sous les marges continentales, qui met en place une première ébauche montagneuse, soit sous forme de cordillère, soit sous forme d’arc insulaire. Lorsque les marges continentales viennent enfin en collision , de grandes nappes de charriage se mettent en place sur les marges continentales, qui se déforment à leur tour. De tout cela, il résulte un grand nombre de mouvements successifs qui définissent autant de tectoniques superposées . L’orogenèse n’est jamais un phénomène simple.

Les chaînes de montagnes ne naissent pas qu’aux limites des plaques. Celles-ci sont déformables, et cela parfois très loin de leurs limites. Ainsi en est-il de l’Asie, dont la déformation intraplaque s’étend à toute la Chine, en conséquence de la collision Inde-Eurasie.

Les types de chaînes de montagnes

En fonction de leur genèse, les chaînes de montagnes peuvent être rangées en trois grandes catégories.

Les chaînes de subduction correspondent à la déformation des marges continentales traversées de granodiorites et supportant des volcans andésitiques; ce sont: soit des cordillères , comme celles de l’ouest des Amériques (Andes, montagnes Rocheuses, Sierra Madre); soit des arcs insulaires , comme dans l’ouest du Pacifique, séparés du continent par des mers marginales récentes (cf. ARCS INSULAIRES et MERS MARGINALES).

Les chaînes de collision , comme leur nom l’indique, résultent de la collision des continents, qu’il s’agisse de la collision de vastes continents, comme celle qui a fait disparaître la Téthys [cf. TÉTHYS], large océan latitudinal qui séparait l’Eurasie des continents méridionaux, Afrique, Arabie, Inde, Australie (collision à la téthysienne dont sont nées les chaînes alpines proprement dites), ou qu’il s’agisse de la collision d’un continent avec un arc insulaire, qui peut passer: soit sur la marge du continent, comme l’île de Taiwan – prolongement de l’arc des Philippines –, qui a commencé de chevaucher le continent asiatique (collision à la taiwanaise ); soit sous la marge du continent, comme il en fut dans le passé en Californie (collision à la californienne ).

Les chaînes intracontinentales résultent de la déformation intraplaque suivant deux modèles. Dans le premier modèle, une plaque se brise en parties qui s’écartent et un océan commence à naître; les stades successifs correspondent aux modèles des rifts est-africains, du fossé des Afars, de la mer Rouge. Les bords des continents ainsi rompus sont soulevés à des altitudes parfois importantes qui vont décroissant dans le temps. Dans le second modèle, la plaque se déforme en conséquence d’une collision particulièrement importante; ainsi en est-il en Asie centrale, en bout de la collision de l’Inde dont est né l’Him laya et, dans une moindre mesure, en Europe moyenne, en bout de la collision de l’ensemble italo-dinarique dont sont nées les Alpes orientales.

La formation d’une chaîne de montagnes: les tectoniques et orogenèses superposées

Les chaînes de montagnes naissent donc de processus divers et complexes dont les effets s’échelonnent au cours du temps. Chaque processus se traduit par un type de structures qui reprend les structures antérieures en autant de tectoniques superposées dont chacune correspond à un édifice orogénique.

L’exemple des chaînes alpines est démonstratif (cf. ALPES, chaînes ALPINES). Les chaînes alpines de l’Eurasie méridionale résultent de la collision de l’Eurasie et des continents méridionaux, Afrique, Arabie, Inde, Australie, aux dépens de la Téthys.

Dans un premier temps, au niveau de l’Europe méridionale, par exemple, à partir du Jurassique supérieur, il y a 135 millions d’années, la Téthys est entrée en subduction sous les marges continentales qui la bordaient, d’une manière générale sous l’Eurasie, sauf au niveau des Alpes, dont les bord se sont alors transformés en des cordillères de type andin associées à des arcs insulaires de type ouest-pacifique. Dans un second temps, à partir de l’Éocène moyen, il y a 40 millions d’années environ, la subduction s’achevant, les marges continentales sont entrées en collision , l’espace océanique téthysien se réduisant à une ou à des sutures ophiolitiques d’où sont parties des nappes océaniques, au premier rang desquelles des nappes ophiolitiques, charriées sur les marges continentales [cf. OPHIOLITES].

De cette étape complexe au cours de laquelle se succèdent subduction(s) et collision(s) naissent des structures où prédominent les grands charriages polyphasés, que l’on décrit comme la tectonique de ces chaînes.

Après quoi, les marges continentales étant en contact, se produisent des déformations d’ensemble affectant les socles continentaux et les nappes océaniques qu’ils supportent. Il peut s’agir de simples «plis de fond», dont nombre de «massifs cristallins» des chaînes alpines sont l’exemple, mais aussi de vastes cisaillements plats affectant les croûtes continentales dans leur ensemble, dont les Alpes orientales ou l’Him laya donnent l’exemple de ce qui apparaît comme une hypercollision . Ces structures, également polyphasées, constituent la tarditectonique des chaînes alpines.

Enfin, des réarrangements ultimes se produisent, annonciateurs d’une nouvelle évolution. Telle est la néotectonique , dont le meilleur exemple est le jeu des failles méditerranéennes qui découpent les plaines intramontagneuses – comme la plaine du Pô et les plaines balkaniques – et la Méditerranée dans l’édifice tectonique et tarditectonique alpin.

Cette superposition dans le temps des tectonique, tarditectonique et néotectonique n’est nullement contemporaine à l’échelle de la Téthys: par exemple, la subduction est encore active dans l’Indonésie occidentale comme dans l’arc Égéen, alors que la collision est réalisée depuis longtemps partout ailleurs. De même, s’agissant d’hypercollision, celle-ci, morte dans les Alpes orientales, est encore active dans l’Him laya.

Considéré dans sa forme actuelle, le relief d’une chaîne est surtout marqué par les épisodes tarditectoniques et néotectoniques. Par exemple, les Alpes, en tant que telles, doivent leur relief, par rapport à la Méditerranée et aux plaines intramontagneuses, à la néotectonique: le rejet vertical des failles qui limitent la plaine du Pô est d’environ 10 000 mètres, se divisant en 4 000 mètres de relief moyen et 6 000 mètres de sédimentation détritique du Pliocène et du Quaternaire. Quant à leurs massifs culminants, la répartition en est réglée par les déformations tarditectoniques: le Mont-Blanc appartient au socle européen porté à cette altitude par les mouvements tardifs; ce ne sont pas les nappes structuralement les plus élevées qui sont topographiquement les plus hautes. Les autres chaînes alpines issues de la Téthys pourraient faire l’objet d’une même analyse.

Subductions et collisions successives

La période tectonique qui achève la fermeture de l’espace océanique entre deux continents peut être plus complexe lorsque divers blocs continentaux sont intercalés entre les marges des deux continents principaux. La collision finale entre les deux continents est alors précédée par autant de collisions qu’il y a de blocs intercalés, l’histoire pouvant se compliquer par le fait que chaque bloc continental peut lui-même induire une subduction et devenir un arc insulaire. Avant la collision finale, il y a ainsi une suite de subductions/collisions dont la genèse de l’Him laya donne l’exemple (cf. figure). Ce cas, très général – l’Him laya n’est particulier que par l’hypercollision terminale –, permet de définir autant de crises orogéniques (cf. infra) qu’il y a de collisions arc insulaire/continent, avant la crise orogénique majeure marquée par la collision continent/continent.

L’orogenèse au cours des temps géologiques: cycles, crises et phases orogéniques

Si les chaînes alpines – et leurs équivalents péripacifiques, cordillères andines et arcs insulaires – sont les plus évidentes par la vigueur de leurs reliefs, leur histoire ne correspond qu’aux 200 millions d’années les plus récentes de l’histoire du globe; lequel est vieux de 4 milliards et demi d’années! D’autres chaînes de montagnes se sont succédé au cours des temps géologiques, bien avant que les chaînes alpines ne se préparent. Toutes ont fini par être arasées, de sorte qu’on en connaît l’existence d’une manière indirecte: par l’accumulation de séries détritiques alors même que se soulevaient les montagnes correspondantes; par la discordance de terrains postérieurs, quand, après arasement définitif de la chaîne de montagnes, la mer est revenue en transgression. On peut alors apprécier la nature de la déformation tectonique et l’importance des phénomènes de métamorphisme et de granitisation qui ont accompagné la formation de la chaîne de montagnes (et dater celle-ci par l’âge des fossiles contenus dans les couches déformées, ou par l’âge radiométrique du métamorphisme affectant ces couches ou des granites les traversant).

Cycles orogéniques

On appelle cycle orogénique le laps de temps pendant lequel se prépare, se développe, s’achève, s’érode une chaîne de montagnes. Sont donc inclus non seulement les temps de déformation, d’orogenèse, mais aussi: les temps de sédimentation, de lithogenèse, antérieurs; les temps d’érosion, de glyptogenèse, postérieurs. Parti de la pénéplaine du cycle précédent, chaque cycle retourne à une pénéplaine; le cycle alpin n’est donc pas terminé.

C’est cette notion de retour au point de départ qu’exprime le mot «cycle»; cependant, puisqu’il y a création d’un édifice nouveau, même s’il est totalement arasé, le terme n’est pas tout à fait exact; mais l’habitude a prévalu et l’expression «cycle orogénique» est toujours employée.

On a mis en évidence, au Phanérozoïque (les temps fossilifères, postérieurs au Protérozoïque, de – 540 Ma à l’Actuel), trois cycles successifs, caractérisés chacun par leurs trois étapes, lithogénique, orogénique et glyptogénique: le cycle calédonien (de Caledonia, nom romain de l’Écosse), le cycle hercynien ou varisque (de Hercynia Silva, forêt de Germanie au temps de Jules César – le Harz en tire son nom –, habitée par les Varisques), le cycle alpin , enfin. À la différence du cycle alpin, les cycles calédonien et hercynien sont allés jusqu’au terme de leur évolution. Des pénéplaines en ont résulté, qui se sont ennoyées sous les matériaux détritiques dus à l’érosion finale de ces chaînes; lesquels, en Europe et en Amérique du Nord, eu égard au climat aride qui régnait alors, ont formé respectivement les Vieux Grès rouges dévoniens, et les Nouveaux Grès rouges permiens. Tenant compte de cette évolution jusqu’à son terme, on pourrait dire, comme le fit autrefois Marcel Bertrand, que chaque chaîne – chaque cycle orogénique – comporte, outre ses structures, ses flyschs, ses molasses, ses roches métamorphiques, ses granites, ses volcans, et finit dans sa pénéplaine et ses grès rouges. On s’est même posé la question de glaciations éventuellement liées à l’achèvement d’un cycle orogénique. C’est un fait que des glaciations sont connues au Quaternaire (fin du cycle alpin), à la limite du Carbonifère et du Permien (fin du cycle varisque), à la limite Ordovicien-Silurien (cycle calédonien), à l’Éocambrien (fin du cycle assyntique). La coïncidence est troublante; peut-être l’achèvement d’une nouvelle ceinture montagneuse modifie-t-il, si peu que ce soit, les conditions climatiques globales.

La notion de cycle orogénique permet de reconnaître un rythme dans l’ensemble des phénomènes géologiques qui marquent l’évolution du globe: chaque cycle, en effet, est d’une durée approximative de 200 millions d’années. Celle-ci ne correspond pas aux grandes divisions de l’échelle stratigraphique, souvent fondées sur la paléontologie: la seule ère paléozoïque (de – 540 à – 250 Ma environ) comprend les deux cycles calédonien (jusqu’à – 410 Ma) et varisque (jusqu’à – 250 Ma); au contraire, l’ensemble du Mésozoïque et du Cénozoïque correspond au seul cycle alpin. Les cycles orogéniques expriment mieux l’histoire de la Terre que l’échelle stratigraphique, celle-ci étant liée à l’aventure biologique, assez indépendante de la dynamique propre de la planète Terre.

En revanche, il est plus difficile de reconnaître des cycles orogéniques dans le Protérozoïque. Certes, celui-ci s’achève, vers – 540 Ma , par le cycle assyntique (du loch Assynt, en Écosse), dit aussi cadomien (de Cadomia, nom romain de Caen) ou encore baïkalien (du lac Baïkal), qui s’est lui aussi terminé en Europe et en Amérique du Nord par la formation de grès rouges. Mais, quand il s’agit de périodes antérieures, il est plus délicat de faire des distinctions, et ce pour des terrains dont l’histoire est d’autant plus complexe qu’ils sont plus vieux; surtout, ils sont plus métamorphisés et granitisés, ce qui limite l’analyse qu’on peut en faire. On se fonde alors essentiellement sur les métamorphismes et les granitisations superposés (pendant longtemps, chaque granitisation a défini un cycle), analysés par les méthodes radiométriques, avec les réserves que cela comporte.

Par le jeu répété des cycles orogéniques se construisent les continents: tel est le sens des «cratonisations» successives; le mot «craton» désigne la partie continentale stable à un moment donné par opposition à la ceinture orogénique mobile de la même époque. Par exemple (cf. EUROPE - Géologie, pl. hors-texte II et III), on reconnaît une Europe précambrienne du Nord-Est, une Europe calédonienne du Nord-Ouest, une Europe hercynienne de l’Ouest, une Europe alpine du Sud. Cependant, l’apparent accroissement du continent européen autour de ses «noyaux» précambriens, net à l’ouest, n’est peut-être qu’un leurre: les Carpates jouxtent directement la plate-forme russe, supportée par le socle précambrien. En fait, les édifices orogéniques successifs se disposent obliquement les uns par rapport aux autres, et la largeur totale des zones affectées par chacun des cycles correspondants est comparable: la largeur de la chaîne varisque entre l’Europe et l’Afrique est identique à celle de l’ensemble des chaînes alpines.

En définitive, chaque chaîne naît à l’emplacement des chaînes précédentes par une extension océanique créatrice du domaine sédimentaire du cycle correspondant, compensée ensuite par l’orogenèse; il en résulte une chaîne nouvelle, orientée différemment mais de dimension voisine. Ainsi naissent et se développent les chaînes alpines méditerranéennes par rapport aux chaînes varisques. Pour finir, la surface continentale reste presque la même: les continents ne s’accroissent guère; ils se rompent périodiquement pour faire la place à des chaînes qui les soudent à nouveau, d’une manière différente. En quelque sorte, les ceintures orogéniques sont des «plaies» océaniques que l’orogenèse «cicatrise».

Ainsi conçue, l’orogenèse n’apparaît pas comme un processus de croissance des continents mais comme un processus d’entretien, de distribution de ceux-ci. Il en résulte d’étranges «ballets»: il semble que les continents n’aient formé qu’une masse unique, la Pangée, à la fin du Paléozoïque; séparés en deux masses, l’Angara (ou Laurasie) au nord, le Gondwana au sud, par la ceinture orogénique téthysienne [cf. TÉTHYS], ils se sont, au cours du cycle orogénique alpin, d’une part dispersés («dérive» des Amériques, de l’Australie, de l’Inde), d’autre part rassemblés (Ancien Monde d’un côté, Nouveau Monde de l’autre, l’Australie restant indépendante). Le sort des deux Amériques, qui se séparent respectivement de l’Angara et du Gondwana pour «se retrouver», est exemplaire.

Une même analyse pourrait être faite pour les cycles calédonien et varisque ayant rompu le continent unique qui aurait existé à la fin du Protérozoïque pour le reconstituer, d’une autre manière, à la fin du Paléozoïque. Suivant le cycle orogénique que l’on considère, les voisinages ne sont pas ceux des continents actuels; au contraire, des édifices aujourd’hui séparés n’en formaient autrefois qu’un seul: la suite de l’Europe hercynienne se trouve en Amérique du Nord...

Supercycles

Dans certaines régions, comme l’ouest de l’Amérique du Nord, on tend à définir des supercycles orogéniques: la Cordillère résulterait d’une évolution «continue» depuis le début du Paléozoïque, voire la fin des temps précambriens, jusqu’à l’Actuel. On y reconnaît cependant plusieurs périodes de plissement et de granitisation, sans attribuer une importance particulière à l’une plus qu’à l’autre, de sorte qu’elles sont considérées comme les phases successives d’un même supercycle. Cette conception est probablement due à ce que les directions structurales des cycles orogéniques successifs sont parallèles. En effet, les discordances équivalentes aux cycles calédonien et varisque existent dans la Cordillère; dans l’est de l’Amérique du Nord, ces cycles ont respectivement donné naissance aux Alleghanys et aux Appalaches. D’ailleurs si, pour la même raison, la même difficulté existe en Amérique du Sud, dans les Andes méridionales, brusquement nord-sud, les directions structurales différentes rendent la distinction des cycles orogéniques évidente: par exemple, si les directions «andines» – du cycle andin – sont presque nord-sud, les directions varisques sont nord-ouest - sud-est. Les supercycles ne sont probablement qu’une apparence, liée au fait que la bordure continentale où on les rencontre est celle d’un océan plus ancien que ceux qui se sont récemment ouverts, comme l’Atlantique ou l’océan Indien; ce qui est le cas de la bordure occidentale des Amériques.

Phases orogéniques

On appelle phase orogénique un laps de temps très court pendant lequel on suppose que se produit une série de déformations déterminées. Lorsqu’elle s’accompagne de plissement, on date une telle phase, que l’on dit alors «phase tectonique», comme étant comprise entre l’âge des derniers terrains affectés et celui des premiers terrains discordants. Il arrive que cet âge puisse être déterminé de manière très précise, sinon on se contente de parler de phase «post-» (premier critère) ou «anté-» (second critère); ainsi, on parle d’une phase antécénomanienne dans les Pyrénées, d’une phase anté-Gosau dans les Alpes orientales (du nom des couches de Gosau d’âge crétacé supérieur), etc. Lorsqu’elle ne s’accompagne pas de plissement, la datation d’une phase orogénique est plus délicate; on se fonde alors sur l’âge des conglomérats dont les galets proviennent d’une région déterminée qu’on suppose ainsi soulevée. Dans les meilleurs cas, les deux arguments se rejoignent.

Hans Stille a ainsi pu établir un calendrier des phases orogéniques (cf. tableau) pour le Phanérozoïque, qui rend compte des différentes crises orogéniques des cycles calédonien, varisque, alpin. Ces phases n’ont cependant pas même signification: ainsi, pour le cycle alpin, les dernières (rhodanienne, valaque) correspondent aux mouvements de failles en extension de la période néotectonique ; les autres, aux phases de compression des périodes tarditectonique et tectoniques.

Polarité orogénique

En outre, on peut s’interroger sur la notion même de phase. D’une part, l’actuelle activité sismique néotectonique, certes discontinue en chaque point, témoigne d’une déformation continue à l’échelle des ensembles géologiques. D’autre part, les périodes tectonique et tarditectonique attestent une polarité telle que la même déformation soit d’âge plus récent vers l’extérieur de chaque chaîne: dans les Alpes, par exemple, la mise en place des nappes de charriage, antérieure à l’Oligocène à l’arrière (l’Oligocène de la Ligurie et du Piémont est transgressif et discordant), s’achève au Miocène à l’extérieur (les nappes sont charriées sur la molasse miocène du sillon périalpin). Cette polarité définit ainsi, avec le sens du déversement tectonique, l’intérieur et l’extérieur de la chaîne. L’image de la vague, partie de l’intérieur de la chaîne pour aller déferler sur l’avant-pays, est éloquente à cet égard.

Cette polarité orogénique est également valable à l’occasion de chaque épisode de subduction/collision continent/arc insulaire antérieur à la collision finale continent/continent. Chaque crise orogénique ainsi définie a sa propre polarité. Dans cette optique, s’agissant de chronologie alpine, les phases néocimmérienne, autrichienne, laramienne marquent le début de trois crises orogéniques, soulignées par le début des flyschs correspondants. Les phases laramienne, pyrénéenne, attique marquent respectivement le début, le maximum – les grands serrages de socles –, la fin de la troisième crise orogénique, la plus apparente dans ses effets tectoniques; chacune initiant la période tarditectonique successivement à l’arrière, à l’intérieur et à l’avant de la chaîne. La phase rhodanienne marque le début du renversement des contraintes qui introduit la néotectonique. Les autres phases n’ont apparemment pas de signification propre.

On voit donc que les notions de cycle orogénique et de phase orogénique sont, d’une certaine manière, des commodités. Cependant, si l’on se reporte au modèle de la tectonique des plaques, on comprend que chaque période d’ouverture-fermeture d’un océan principal peut définir un cycle orogénique de valeur générale; que chaque collision arc insulaire/continent peut déterminer une crise orogénique de valeur régionale; les modalités de ces événements définissant des phases orogéniques de valeur locale. Le calendrier orogénique défini depuis longtemps par la géologie prend ainsi tout son sens dans le cadre de la tectonique globale.

orogenèse [ ɔroʒənɛz ] n. f.
• 1910; de oro- et -genèse
Géol. Processus de formation des reliefs de l'écorce terrestre. orogénie.

orogenèse ou orogénie nom féminin Ensemble des processus géodynamiques par lesquels se constituent les chaînes de montagnes.

orogenèse ou orogénèse
n. f. GEOL Ensemble des phénomènes géologiques qui entraînent la formation des montagnes.

orogénèse [ɔʀoʒenɛz] ou orogenèse [ɔʀoʒənɛz] n. f.
ÉTYM. 1910; de 1. oro-, et suff. -genèse.
Géol. Phase d'édification des reliefs de l'écorce terrestre.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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